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Le sens commun s’emploie à séparer clairement la réalité de la fiction dans un souci de produire de la crédibilité. Mais, le réel n’est-il pas, comme l’affirme Jacques Rancière « toujours l’objet d’une fiction, c’est-à-dire d’une construction de l’espace où se nouent le visible, le dicible et le faisable » ? La réalité bien souvent sort du cadre du raisonnable et de l’acceptable. Parfois en raison même de son caractère traumatique et excessif, nous sommes incapables de l’intégrer et sommes donc contraints de l’éprouver comme une apparition cauchemardesque. La réaction mentale face à l’inexplicable est alors immédiate, l’imaginaire et le rêve se composent pour tenter d’y remédier. La fiction devient alors instrument pour dépouiller la réalité de son écorce trompeuse.
Ce qui est posé comme point de fracture ne serait-il pas alors un point de contact ? La frontière entre fiction et réalité n’est-elle pas, elle-même, le produit d’un travail de fiction ? Frontière que les artistes explorent, déplacent, rendent perméable, réinvestissant ainsi le rapport réalité/fiction, non comme les deux faces d’une médaille, l’une excluant l’autre, mais dans la perspective de suggérer une nouvelle « topographie du possible ». La mise en scène de situations équivoques (Ralph Eugène Meatyard, Joel-Peter Witkin et Istvan Balogh) joue de la certitude quant à l’état, voire même la présence des personnages. Le soupçon s’introduit dans l’espace en brouillant les lignes régulières des lieux artificiels (Lynne Cohen), tout comme dans les couleurs harmonieuses du paysage naturel (Jean Vérame).
La fiction est une affaire d’imaginaire autant que de technique, l’une et l’autre convergent plus que jamais aujourd’hui pour tenter de répondre aux questionnements de notre temps. Si pour cela le 20e siècle s’armait en science-fiction, le 21e siècle cherche, quant à lui, à abattre par la virtualité 3D les limites entre le réel et le fantastique au gré d’un monde qui prétend ne plus recéler de mystères.
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