Helena Almeida
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Née en 1934 à Lisbonne (PT)
Vit et travaille à Lisbonne (PT) |
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Sans titre
2010
Vidéo, noir et blanc, son Durée: 18' Acquisition: 2011 |
Bien qu’elles paraissent plus introverties que certaines performances des années 1970, les actions qu’entreprend Helena Almeida ne sont pas totalement solitaires. Les plus désœuvrées d’entre elles transpirent certes l’isolement d’un atelier, où l’artiste portugaise dessine, chorégraphie et photographie systématiquement ses actions depuis plus de quarante ans. Certaines images la montrant par exemple « volant » à plat ventre sur un tabouret, bras écartés ou debout légèrement sur la pointe des pieds, tête renversée. La tentative de Voar (Voler, 2001) n’est pas inédite, mais alors qu’elle sert d’habitude la rhétorique positive de l’ascension, Almeida, flegmatique, mime un vol plané de basse altitude dans cet atelier qu’elle ne quitte pas. Cette option intérieure contraste avec l’élan conquérant de projections plus viriles, jouées au grand air : en 1970, l’italien Gino de Dominicis esquissait un saut de l’ange en pleine montagne quand Yves Klein simulait dès 1959 l’envol urbain dans son fameux photomontage du Saut dans le vide. Almeida fait d’ailleurs discrètement allusion à cet artiste dans des photographies en noir et blanc plus anciennes, où, vêtue sobrement, elle paraît avaler des touches bleues peintes à la surface de l’image 1. Tribut irrévérencieux au fameux bleu dont Klein avait badigeonné ses modèles nus, instrumentalisées en femmes-pinceaux pour les Anthropométries. Almeida préfère boire la couleur, transposant littéralement la dévoration critique préconisée par le Manifeste anthropophage d’Oswald de Andrade en 1928. Le poète brésilien prescrivait alors d’incorporer l’altérité du colonisateur – ici, celle de l’antécédent masculin – en l’ingurgitant symboliquement. Toujours seule face à l’objectif, Almeida s’adresse en fait à un tiers implicite, mais omniprésent. La tendance introspective de l’artiste ne serait donc qu’une réponse à l’intersubjectivité que réclament certains de ses titres : Sens-moi, Ecoute-moi, Vois-moi (1979). Cet autre furtif, c’est le reflet et le contre-champ du miroir présent dans certaines images, mais c’est aussi l’œil du photographe qui saisit l’artiste depuis le début de son œuvre : son mari, l’architecte Arturo Rosa. Le complice habituellement invisible apparaît depuis peu, sans aucune velléité biographique cependant, l’artiste rejetant l’idée même de l’autoportrait. Leurs deux visages sont donc coupés dans la vidéo Sans titre cadrée sur leurs pieds (2010). Le plan fixe enregistre d’étranges allers et venues : deux de leurs jambes sont liées par un câble métallique, que l’artiste ressert au fur et à mesure qu’il se défait. L’annexion des corps forme un siamois à trois jambes, un duo boîteux que ralentit une routine solidaire et butée. Autant qu’un soutien, l’autre devient un poids avec lequel il faut composer une chorégraphie heurtée. L’entrave – servitude volontaire ou prise d’otage réciproque – scelle dès lors l’intimité entendue comme liaison étroite entre des individus, mais annule cette autre pendant de l’intimité qu’est le quant-à-soi. Supposant la réaffirmation d’une individualité à travers sa dissolution dans un « corps collectif », des paires similaires avaient déjà été formées auparavant : de l’option douce de Lygia Clark liant en 1966 sa main à celle d’Hélio Oiticica par un ruban élastique, sorte de menotte sensuelle pour Dialogue de mains ; à l’option radicale de Tehching Hsieh, lié à Linda Montano durant toute l’année 1983-84 par une corde nouée à la taille. Sans fétichisme ni masochisme, l’attache tiendrait ici de la cordée, Almeida s’accrochant littéralement à un double constitutif de sa propre personne, que, vieillissante, elle redoute de perdre. Hélène Meisel 1 Estudo para um enriquecimento interior, Etude pour une amélioration intérieure, 1977-78. |
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