Cristina Lucas
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Née en 1973 à Jaén (ES). Vit et travaille à Amsterdam (NL) et à Madrid (ES)
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Habla
2008
Video HD, 16/9, couleur & son Durée : 7' Acquisition: 2010 |
Tout comme pour enlever, dame, on pose dans la pierre alpestre et dure une vive figure, qui croît le plus où plus la pierre diminue […]. A l’âge même où le Christ fut mis en croix, le géologue hongrois László Toth célèbre la Pâque 1972 en attaquant au marteau la Pietà de Michel-Ange : bras démis, voile ébréché, nez et paupière brisés. Affirmant être Jésus ressuscité des morts, il argumenta que l’éternité du dieu chrétien ne souffre pas d’avoir une mère. Une génération plus tard, c’est à une reproduction en plâtre du Moïse, lui aussi taillé par le sculpteur arétin, à laquelle Cristina Lucas s’en prend, masse de chantier à la main. Incarnant les fantasmes les plus séditieux des Guerrilla Girls, le geste ne dissimule pas son hostilité envers la forme de domination sexuelle, sociale et confessionnelle que représente le patriarcat. S’il réveille l’imagerie du vandale dépeinte par Francisco de Goya pour son No sabe lo que hace, l’iconoclasme de l’artiste ne s’inscrit pas pour autant dans une lignée religieuse ou révolutionnaire : sublimé par le langage cinématographique, il a pour cadre l’institution muséale. Un plan d’ensemble fixe sur la sculpture de Michel-Ange inaugure le film et paraît témoigner du hiératisme viril qui a tant fait écrire les historiens de l’art, tels Burckhardt, Thode ou Wölfflin. Contemporains de Freud, beaucoup y ont vu le moment où, suspendu dans son geste lui-même iconoclaste (l’anéantissement du veau d’or), le porteur du décalogue entend la rumeur de son peuple idolâtre. L’effigie ornant le tombeau du pape Jules II n’est ainsi pas la seule à faire les frais de “l’hystérie” de la jeune femme : l’essai de 1914, Le Moïse de Michel-Ange , semble lui aussi soumis à la question. Le patriarche de la Psychanalyse y évoquait sa déception lors de ses visites à Saint-Pierre-aux-liens, lorsqu’il s’asseyait devant la statue de marbre dans l’espoir de la voir bouger sans que rien n’advînt, avouant la nécessité de comprendre de manière analytique l’émotion provoquée par une œuvre d’art avant de pouvoir en jouir. Robe de satin violette et ballerines, Lucas n’emprunte pas l’escalier romain du Corso Cavour : d’un pas décidé, elle entre par une porte inondée de lumière, menant sur une salle ceinte de cimaises blanches du Museo Reina Sofía à Madrid. Les mouvements de caméra ne commencent vraiment qu’avec la destruction de l’idole. Un genou et la toge font les frais des premiers assauts. Arnaud Dejeammes |
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