Sketch for Angels
2000
Vidéo, couleur, sonore
Durée : 2'46"
Acquisition: 2000
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Pia Wergius appartient à cette jeune génération d’artistes qui bousculent les principes du film et cherchent une certaine autonomie du médium, en instaurant notamment un rapport différent à la notion de temps et d’espace. L’évocation du double, sous un mode allégorique, est l’un des thèmes centraux de son travail. Comme d’autres artistes contemporaines du grand Nord (Eija-Liisa Ahtila, Ann-Sofi Sidén…), Pia Wergius explore les métamorphoses identitaires, joue avec la perception du temps – un temps anachronique, qui semble suspendu. Sketch for Angels nous plonge dans une tension dramatique, et nous place sur la brèche, à l’image du personnage mis en scène. La caméra glisse le long du plafond d’un salon jusqu’à se fixer sur la fenêtre. Celle-ci est ouverte et l’on aperçoit une fille aux cheveux rouges, suspendue au cadre d’un immeuble typique d’Amsterdam. Elle ne tombe pas, elle tient encore à quelque chose : à une sorte de magie de l’apesanteur. Dans ce moment d’entre-deux où la conscience bascule pour glisser vers d’autres rapports au monde, on ne sait si elle a envisagé la chute ou pas. Ce que l’on sait c’est qu’elle est en danger. Ce danger correspond pour elle peut-être à un instant ou à des heures : une façon de tester le dilemme de la vie, la sienne ou celle du monde. Une des multiples façons de «toucher son fond», comme pour mieux en estimer le vide ? Tout rationalisme est ici à écarter pour découvrir un monde sans poids ni mesure, entre la chute finale et la délivrance ! L’état de vulnérabilité de cette femme est emblématique dans cette chansonnette, qui semble lui donner du courage, tandis qu’elle est au bord du précipice à un moment de rupture. Le basculement qu’opère cette artiste appartient à ce «je est un autre» de Rimbaud qui semble devenu aujourd’hui une évidence du discours culturel. «Cette démultiplication du soi fascine, certes, mais elle déroute aussi parfois car elle évoque en nous les conséquences potentiellement inquiétantes de la perte d’un sujet plein et centré : trouble de la frontière entre fiction et réel, trouble de l’identité, perte de la limite.»
Un homme passe, les cheveux bougent, la voiture est garée, le ciel semble délivré, mais toujours chargé.
Cécile Bourne
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