Slow Object 04
1997
Vidéo couleur, non sonore
durée : 6'05''
Acquisition: 2008
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L’œuvre d’Edith Dekyndt offre un répertoire intemporel de faits physiques, qui bien que captés empiriquement, ouvrent sur l’illusion et l’étrangeté. Fantomatique et pourtant matérielle, l’œuvre nous aide à prendre conscience de la marche du monde. En focalisant l’attention sur une action minimale toujours en relation avec des éléments ou des phénomènes naturels (irisation, flux aériens et liquides, etc.), l’artiste, sans trafiquer la réalité, pose le geste créatif dans une manière expérimentale d’être au monde et incite notre curiosité à découvrir le caractère fabuleux des mécanismes qui ordonnent la vie, conduisant le regard à considérer l’eau, la couleur, l’air et l’espace.
En total décalage avec le rythme trépidant d’un quotidien affairé, Slow Object 04 (1997) est une vidéo qui appartient à une série entamée en 1997, dont le propos se focalise sur la lente mobilité de divers éléments. Ici, la vidéo en cadrage serré montre le jeu manuel et délicat d’une rondelle élastique rebondissant au ralenti dans un aquarium. Comme en état d’apesanteur, l’objet ploie et se déforme légèrement ne modifiant que peu son apparence. Bien que rien ne soit caché au regard, un temps d’acclimatation est nécessaire pour comprendre l’étrange motricité de l’objet.
Se frotter à l’œuvre est comme le début d’un songe : ce moment de décalage lorsque la réalité commence à dysfonctionner mais demeure suffisamment prégnante pour ne point trop heurter les référents qui la structurent. Sans recourir à l’artifice mais en amenant le regard à un point d’équilibre où tout peut basculer, Edith Dekyndt s’ingénie à brouiller les repères, ouvrant la porte au désir de rêve.
Aussi symbolique que naturelle, la récurrence des mains de l’artiste dans ses vidéos fonctionne comme un diapason imprimant le « la » d’une échelle humaine en prise sensible avec le réel. Tel un outillage primaire d’apparence anodine mais cependant essentiel, les mains négocient avec l’intelligibilité du monde environnant. Cette manipulation, qui correspond au maniement et non à la manœuvre qui viserait à travestir la réalité, invite à regarder le monde comme on le ferait avec un objet inconnu, le soulevant et le retournant sous toutes ses facettes afin de l’analyser. D’une certaine manière, à l’instar de l’enfant qui découvre le monde, l’œuvre de Dekyndt flirte avec cette innocence toujours renouvelée, décidant d’accorder le temps de l’attention et la concentration nécessaires pour que se révèle la beauté de « l’insignifiant ». Cette position sensible qui ne correspond pas à une posture angélique, se révèle comparable à une force tranquille : une présence sereine quasi inébranlable, qui agit sans déranger, ouvrant la voie à une éthique de l’universalité, à un respect non obséquieux du monde et de ses forces contingentes.
Cécilia Bezzan
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