Delta
1996
Acier inoxydable, peinture grise et sel
Dimensions variables
Acquisition: 1997
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Élisabeth Ballet élabore des installations qui, sous différents aspects, interrogent la notion d’espace, ses limites et sa matérialisation au sein d’un lieu existant.
Delta (1996) a été réalisée pour Tramway à Glasgow et fait partie de la série Sugar Hiccup_, composée de deux autres œuvres créées selon le même principe (_Cale, forme circulaire posée au sol, en bois, néon et acier, et Contrôle 3, sorte de boîte en Plexiglas de forme rectangulaire) : la matérialisation et la délimitation d’espaces clos et vides dans lesquels on ne peut accéder physiquement.
Delta est constituée de trois structures de dimensions et de formes différentes, alignées et positionnées à intervalles réguliers dans l’espace. Ces structure évidées, aux lignes épurées, sont composées de barrières au tramage
vertical et horizontal. Peintes d’un gris uniforme, elles induisent une lecture particulière de l’espace. En effet, si elles circonscrivent et isolent trois espaces vides, ces derniers semblent avoir été matérialisés pour mieux laisser s’échapper le regard en le renvoyant d’un élément à l’autre. Ce dispositif fait parfois intervenir des matériaux contrastant, par leur structure même, avec la forme exposée : le premier «enclos», de forme courbe, est construit à l’aide de fines cornières anguleuses ; le second, rectangulaire, se compose de barrières tubulaires en fer ; enfin le dernier, de forme plus complexe, est constitué de cornières en acier de différentes épaisseurs. Si ces formes closes obstruent le passage, Delta est paradoxalement une œuvre ouverte qui ne s’impose pas au lieu mais s’y déploie, offrant ainsi une perception différente de l’espace d’exposition. Delta peut être présentée sur un sol neutre ou recouvert de sel. Répandu, le sel établit un lien entre les différentes structures. Ce dispositif permet d’unifier les trois éléments constitutifs de l’œuvre, mais aussi et surtout, d’y intégrer le spectateur. Le sel immaculé remplit l’espace vide des trois structures, renforçant ainsi leur inaccessibilité, leur sacralité. À l’inverse, le sel foulé et souillé par le spectateur induit un parcours, une voie à emprunter.
Il introduit un certain désordre au sein même du dispositif tout en insistant sur ses limites: intérieur/extérieur. Indépendamment de son impact visuel, le sel modifie aussi la démarche du spectateur, ses traces de pas, leurs
bruits, qui sont alors, comme le mentionne Michel de Certeau, des «façonnages d’espaces» qui «trament les lieux». Ces espaces deviennent ainsi «des endroits pratiqués». Pour Élisabeth Ballet, «la marche s’associe à l’expérimentation». Elle stimule l’ensemble des sens du visiteur afin qu’il puisse faire l’expérience de l’œuvre. Ces structures délimitent un espace intermédiaire, infranchissable, et réalisent une démarcation, sorte d’entre-deux.
L’œuvre joue avec ses propres limites et semble demander : où est l’intérieur ? où est l’extérieur? nous poussant ainsi à en faire l’expérience. Cependant, il n’existe pas
dans Delta de réel obstacle. Ces structures sont en réalité des squelettes ouverts à l’espace environnant.
Line Herbert-Arnaud
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