FAUX SOLEIL
2000
Projecteur, console, programme informatique
Dimensions variables
Acquisition: 2000
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«Je veux commenter les limites, y compris celles entre rien et beaucoup, entre rien et tout.» Le travail de Joëlle Tuerlinckx débute à la fin des années 1980 et pourtant il n’existe guère de traces photographiques de ses productions. Refusant les publications intempestives et surtout les commentaires inutiles, ses pièces se suffisent à elles-mêmes puisqu’elles sont à la fois protocoles de réalisation et textes de présentation. «_FAUX SOLEIL_ des taches de lumière en mouvement. une ombre lumineuse. une imitation: la reproduction artificielle et reconstituée du déplacement d’une tache de soleil dans une salle, un corridor de passage, une cage d’escalier. la tache évolue, augmente et diminue, elle est tantôt géométrique, tantôt informe. elle change de teinte et de luminescence, ses contours sont parfois très précis, parfois plus estompés. l’ensemble de ces évolutions est enregistré et orchestré par un système d’ordinateur. vitesse des déplacements: ici, plusieurs possibilités: la vitesse solaire ou la vitesse solaire x 2 ou la vitesse solaire x 3 ou la vitesse solaire x 10 etc.» Aux antipodes d’une proposition autoritaire qui prendrait «sa place» dans l’espace, les projections lumineuses de FAUX SOLEIL contournent les formes des objets qu’elles rencontrent. Elles sont l’illusion, les traces fictives de rayons de soleil qui viendraient caresser les surfaces d’une pièce, changeant de formes et de tailles de manière presque imprévisible. Ces motifs solaires composés par l’artiste traduisent avec une grande économie de moyens les rythmes d’un temps accéléré. Ils nous invitent à une expérience de la durée et rendent physiquement présent le temps de la lumière. En référence à une certaine tradition de l’histoire de l’art – de la peinture Baroque, aux impressionnistes, jusqu’à l’enregistrement photographique des effets du soleil dans un atelier par Jan Dibbets – le travail de Joëlle Tuerlinckx sème le trouble. Depuis les dépôts de confettis, aux petites boulettes de papiers en passant par les pointillés dessinés à la craie, les énigmatiques mots barrés ainsi que les formes ombrées de petits morceaux d’adhésif, ces «petits riens» participent du vocabulaire d’une œuvre en suspens aux accents fragiles mais non moins déterminés. Sorte «d’intuitive minimale», l’artiste développe une œuvre éphémère et ramène à l’essentiel, au plus juste des perceptions du moment, du vécu, pour ouvrir l’espace et organiser peu à peu le vide. L’art de Joëlle Tuerlinckx n’est pas une réponse et en aucun cas ne peut figer les choses. Il s’agit plutôt d’un exposé de faits, de pensées, de doutes, de questions. C’est ainsi qu’elle déploie un système continuel de variations entre les possibilités envisagées et les réalisations effectuées. Qu’il s’agisse d’œuvres préparatoires ou documentaires, d’installations, de vidéos, de projections, Joëlle Tuerlinckx articule sa réflexion entre l’image et le mot, l’espace et la pensée, l’exposition et le livre.
Béatrice Josse
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