Roche
2008
Installation, livre, 81 diapositives
Dimensions variables
Livre 14 x 21,5 cm
Acquisition: 2008
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L’œuvre de Mark Geffriaud constitue le point de rencontre de faits artistiques, littéraires, scientifiques ou culturels (au sens large) de tous types. Les références qui l’innervent fonctionnent comme autant de points d’origines accompagnant un propos curieux et facétieux. Attirant à elle une somme de récits historiques ou anecdotiques sans hiérarchie de valeur, elle compile, ordonne et articule, provoque la rencontre et interroge. Cultivée et défricheuse, cette œuvre n’en reste pas moins le lieu de l’interprétation et de l’appropriation. Les renseignements généraux, par exemple, figure un livre dans lequel des images de toutes sortes semblent illustrer un texte absent, un ouvrage inachevé qui, jouant de la rencontre improbable de reproductions, appelle à la construction d’un commentaire, à l’écriture personnelle d’un texte pouvant occuper les interstices des illustrations pour créer du sens. Combinant un plaisir non dissimulé du savoir à l’émerveillement de la découverte et de la relecture, l’œuvre de Mark Geffriaud reste dans un état permanent d’incomplétude qui invite volontiers à l’investigation.
Roche (2008) prend pour origine le premier roman de l’auteur protéiforme Maurice Roche. Dans Compact, paru en 1966, l’écrivain élabore un récit à sept voix. Identifiées chacune par une couleur, elles se mêlent et entrent en échos, construisant un objet narratif singulier à la trame résolument polychrome. L’œuvre Roche de Mark Geffriaud renvoie donc à l’ouvrage Compact et joue sur sa composition colorée pour entrer en dialogue avec lui.
L’artiste met en place un dispositif permettant la dissociation des voix en opposant la polychromie de l’écriture de Maurice Roche à l’utilisation du monochrome (ainsi il renvoie par ailleurs à une pratique importante dans l’histoire de l’art récente). Un ensemble de diapositives monochromes (bleues, rouges et oranges) est projeté sur des pages du livre, effaçant ainsi par homonymie chromatique certains passages du récit. Paradoxalement, la lumière, qui théâtralise l’ouvrage, l’efface dans un même temps. Intervenant à travers une série de diapositives, l’artiste réorchestre l’écriture, il fait apparaître ou disparaître des phrases, il crée des profondeurs, multiplie les intensités, nuance, relève des vis-à-vis et révèle le texte. Il le travaille au corps en s’appuyant sur la multiplicité des diapositives qui, en estompant ou en surlignant, recomposent le texte à chaque passage et créent ainsi des séquences. Le monochrome devient l’outil du mixage, du cut ; il acquiert une dimension cinématographique. Par ailleurs, la projection permet aussi une forme de classification qui, surpassant la question narrative, organise visuellement le livre et introduit alors des problématiques de composition plastique. À travers un dispositif assez peu élaboré, Mark Geffriaud interroge la résistance d’un objet transdisciplinaire. Roche peut être perçue d’un certain point de vue comme la réponse artistique à une expérimentation littéraire.
Guillaume Mansart
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