Judy Chicago
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Née en 1939 à Chicago (US).
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On Fire (1969-2012)
12 photographies couleurs ; Vidéo "Atmospheres" (compilation d'extraits vidéos de performances 1969-1974) ;
vidéo "Los Angeles Pyrotechnic Performances" (compilation d'extraits vidéos de performances 2012)
Acquisition: 2012 |
En octobre 1970, Judy Chicago fait paraître une annonce personnelle dans un numéro d’ Artforum : une image la montrant accoudée aux cordes d’un ring de boxe, le regard noir. Sur son sweat-shirt, son nom en majuscules. Carte de visite percutante pour un changement d’état civil émancipateur : désormais, l’artiste portera le nom de sa ville d’origine plutôt que celui de son père (Cohen) ou de son mari (Gerowitz). Réhabiliter le nom des femmes englouties par l’ordre patriarcal, tel sera l’objectif de cette militante qui fondera en 1971 le premier programme d’art féministe à l’université de Fresno en Californie. Cet état, où elle vit depuis 1959, est alors un laboratoire de nouveaux matériaux qui contribuent aux expérimentations lumineuses du « Light and Space » et aux plastiques laqués du « Finish Fetish ». Aérographe, fibre de verre et pyrotechnie, Chicago s’initie à des technologies prétendues masculines, et réalise de 1969 à 1974 plus d’une douzaine de performances extérieures nécessitant l’appareillage expert de fumigènes, fusées et feux d’artifice. Immortalisées par des films et des photographies, certaines d’entre elles seront réactivées en 2012, dans le cadre du projet du Getty Museum « Pacific Standard Time : Los Angeles Art, 1945-1980 1 ». Si les environnements de fumée ne sont alors pas inédits – Robert Morris, Sam Francis ou James Turrell s’y essaient également – ceux de Judy Chicago semblent particulièrement dramatiques et baroques. Intensément colorés, ils continuent par d’autres moyens une peinture momentanément délaissée, à cause de professeurs rejetant la palette exubérante de son « imagerie proto-féministe naïve 2 ». Un temps transférées dans une sculpture minimaliste arc-en-ciel, ses couleurs pastel et acidulées gagneront ensuite l’état gazeux : des fumerolles violettes, pop et infernales s’exhalant d’un bord de mer ; un bouquet impressionniste éclipsant les lignes d’un musée. Parfois, ces douces atmosphères deviendront plus inquiétantes. Les fumigènes gris et noirs qui enfument un pont de Fullerton évoqueront par exemple les vapeurs toxiques de la guerre du Vietnam ( Bridge Atmosphere at Noon #3 , 1970). Féministe tendance chamane, la série des Women and smoke (1971) met en scène des femmes nues aux corps intégralement peints en vert, rouge ou violet, allumant et manipulant des fusées colorées en plein désert californien. Prêtresses de sociétés primitives, elles détiennent l’origine du feu, des énergies et du pouvoir. Assise en tailleur au milieu de vapeurs rouges, une déesse verte rejoue un rituel ambivalent, rappelant aussi bien les immolations des bonzes vietnamiens que le sacrifice indien du satī, exigeant des veuves qu’elles rejoignent le bûcher de leurs maris (Immolation , 1970). Dépassant la seule expérience perceptive, les fumées de l’artiste révèlent ainsi un monde passager, sans repères ni hiérarchie. Mirages merveilleux, elles partagent aussi le potentiel incendiaire et sulfureux des carnavals, dont les masques chatoyants renversent momentanément l’ordre des choses. Hélène Meisel 1 Festival d’art public et de performances (19-29 janvier 2012) organisé dans le cadre du programme « Pacific Standard Time : Los Angeles Art, 1945-1980 » (octobre 2011-mars 2012, Californie). 2 « I started as a painter and moved into sculpture because my male teachers hated my ivory, turquoise and pink color sense. They also hated my kind of naive proto-feminist imagery. », Judy Chicago interviewée par Glenn Phillips et Patrick Steffen, « Eleanor Antin et Judy Chicago. Proto feminists at work », Flash Art, mai-juin 2012, p. 64. |
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