Marta Caradec
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Née à Brest(FR) en 1978. Vit et travaille à Munich(DE).
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Creutzwald, Espagne, Algérie, Cameroun, Sénégal, Portugal, Pologne, Italie, France Outre-Mer et Métropole
2012
Impression sur calque polyester, nom de la carte aux archives (Frad-57-80hb1132-rr6), gouache. 84 x 103 cm Acquisition: 2012 |
À première vue, les œuvres de Marta Caradec ont une dimension décorative : trames, motifs de tapisserie, de tapis ou de blasons… semblent évoquer une pratique ornementale. À seconde vue, Marta Caradec semble « caviarder » des cartes avec une fantaisie obsessionnelle et ludique pouvant évoquer les remplissages de Wölfli, de Lesage ou de Crépin, mais ce serait un contresens comme Marta Caradec n’est ni inspirée, ni spirite et connaît aussi bien l’art contemporain que notre réalité sociale dont rendent compte l’utilisation de la carte, du mappemonde ou de l’atlas, outils de lecture informatifs mais, également, politiques et idéologiques. S’il y a recouvrement partiel de ceux-ci par l’artiste, ils sont toujours visibles et l’on peut en déduire des situations, comme l’on peut comprendre qu’ils génèrent ce qui vient les masquer. Ainsi, dans la série d’Audun-le-Tiche (2012), des cartes de ce site minier Lorrain — dernière mine de fer arrêtée en 1997, situé dans le département de la Moselle où l’artiste a effectué une résidence —, sont recouverts de motifs ornementaux rendant compte des flux migratoires économiques. Chaque carte stratigraphique d’une couleur spécifique évoque par une association arbitraire l’origine géographique d’une population (rouge = Algérie, jaune = Cameroun et Sénégal, grise = Portugal, etc.) sans jamais que la chose ne soit véritablement nommée sinon par le titre de l’œuvre. Une autre carte, Creutzwald (2012), elle aussi située en Moselle, autre toponyme de la dernière mine de charbon en activité, récapitule ces vagues d’immigration avec le recouvrement par différents motifs traditionnels d’un projet d’aménagement d’un quartier résidentiel où résident les mineurs et leur famille. Dans cette dernière, la carte est autant lisible — pour qui saurait reconnaître les motifs représentés — que visible — le patchwork, l’entremêlement, l’entrelacement, les disjonctions autant que les connexions sont perceptibles directement. Le principe est identique dans Metz en Algérie (2013) — surnom donné par les colons français venus dans la ville d’Akbou à la suite de l’annexion de l’Alsace et la Lorraine en 1871. Une carte de cette ville et de ses environs datant de 1958 est recouverte par différents motifs provenant de contextes historiques, géographiques et culturels différents : motifs médiévaux occidentaux contre ceux de céramiques, tapis ou broderies traditionnelles algériennes, bestiaire contre des arabesques, chimères contre calligraphies… renvoyant symboliquement à l’opposition actuelle entre des français dits « de souche » et d’autres issus de l’immigration maghrébine sauf qu’il n’y a pas combat, mais mélange, intégration, fusion dans une conciliation ou réconciliation plastique à défaut de politique bien en contraste avec le contexte dans lequel a été fait ce travail, celui de la montée d’un populisme identitaire. Et c’est, là, l’ambition de Marta Caradec, de témoigner du monde, d’en donner une lecture et de fournir un lieu utopique, celui de l’art et de la culture, comme terrain de combat. Éric Suchère |
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