Link
2009
Installation, fibre de verre, aimant, bois, crochet en métal.
Dimensions variables
Acquisition: 2009
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S’il a suivi une formation en peinture et en gravure, Balasubramaniam est autodidacte en sculpture. Dès ses débuts, l’artiste n’a de cesse de brouiller les catégories artistiques pour les faire ployer sous le joug de son inventivité. Il s’emploie à insuffler aux matières (fibre de verre, bois, fer, laiton) un parfum de vie d’une douceur vertigineuse qui laisse pantois face à tant de beauté. Ainsi déclare t-il : « Mon rapport à la vie ne se définit pas par la recherche de moments épurés mais par la quête de clarté comme entité globale ».
Balasubramaniam travaille sur la perception, n’hésitant pas à (se) jouer de notre crédulité à «réellement» voir le monde qui nous entoure. Nous plaçant en situation d’expérience de l’espace, il contrarie notre obsession à saisir le réel, piquant notre désir de toucher l’indicible. La majesté de l’œuvre s’exprime notamment par le recours à la blancheur, voire l’invisibilité factice des matériaux ou à leurs propriétés physiques étonnantes. Pour exemples, Emerging Angels (2004) consiste en l’émergence d’angelots endormis au fur et à mesure que le bloc de matière évanescente s’évapore ; Untitled (2006), un mur qui s’avère aussi mou que de la gomme, lorsqu’il reçoit une lourde poutrelle d’acier.
Dès lors qu’il imprègne de sa présence les murs (d’exposition), Balasubramaniam nous parle de sa présence au monde. Aussi est-il légitime de voir dans plusieurs de ses œuvres « abstraites » l’expression métamorphosée de son être. Link est une installation qui semble défier la loi de la gravité, simplement constituée d’un fil tendu entre deux murs d’angle avec un hameçon argenté accroché à l’une de ses extrémités. L’objet produit une image qui intrigue autant qu’elle interpelle. Maintenu en tension par un aimant caché dans la paroi, le fil qui semble flotter dans l’air déploie sa fonction d’agent de liaison, tandis que son ombre apparait comme un trait finement tiré au crayon sur la surface murale immaculée. Selon l’angle de vue adopté, l’espace ainsi redessiné apparaitra comme une aire carrée, rectangulaire ou triangulaire.
Présent de manière significative dans l’œuvre, le concept de lien se retrouve antérieurement dans Outreach (2008), deux bras reliés en un dont les mains unissent chacun des murs d’angle ; dans Rest in Resistance (2007), deux murs raccordés par un fil tendu en oblique, dont les points de fixation se soulèvent comme le ferait la peau sous l’action d’un hameçon ; dans Untitled (2002), un bras qui émerge d’un mur tient dans sa main un fil accroché à une autre paroi.
Cette esthétique du flux tendu semble bel et bien honorer les concepts fers de lance dont Balasubramaniam se saisit pour rendre compte de son appartenance culturelle indienne et des fondements de la philosophie et de la croyance hindouiste. Joindre, connecter, allier, emboiter, fusionner sont les principes qui définissent toute vie, tout progrès, toute énergie, considérés comme l’expression polaire de toute unité. Des œuvres comme Shell as Body (2007) et Kaayam (2008) expriment son obsession du contraste entre plein et creux, rappelant que le corps n’est qu’une enveloppe matérielle temporaire, une mue, dans le cycle des réincarnations : à sa mort, l’homme, après avoir subi une dissolution (le corps retourne à la terre, le souffle au vent, la vue au soleil et l’intellect à la lune), s’incarnera de nouveau en un être afin de poursuivre son évolution.
Cécilia Bezzan
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