Ground Control
2008
Objet en polypropylène, oxygène, hélium
150 x 150 x 150 cm (sphère)
Acquisition: 2008
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Si l’essayiste français Joseph Joubert faisait remarquer « l’ingéniosité, voire le génie, dans l’aptitude de l’esprit à vouloir discerner les choses invisibles, à remuer les choses intangibles, à peindre les choses qui n’ont pas de traits », il y a chez Edith Dekyndt le sentiment d’une quête de l’infini propre à apaiser l’esprit. Synonymes de découvertes tant personnelles qu’universelles, explorer, franchir, aller plus loin, se dépasser attisent la curiosité du monde qui nous entoure caractérisant le désir d’expérimentation artistique. Fugace, moléculaire, fragile et instable, le point d’ancrage physique de la démarche artistique dans le monde réel est toujours l’objet d’une intuition. Dekyndt capte, enserre un moment de vie, révélant des configurations libres de mouvement. Sans démonstration scientifique mais en créant les conditions pour que l’expérience du réel s’opère, l’artiste rejoint la pensée du philosophe Gaston Bachelard dans « La formation de l’esprit scientifique » (1938), notant que face au réel, « ce que l’on croit savoir clairement offusque ce que l’on devrait savoir ».
Ground control est à la fois une sculpture et une installation. Réalisé dans une matière plastique très fine, le ballon à l’échelle d’un corps humain enferme un mélange d’oxygène et d’hélium qui le fait flotter entre le sol et le plafond. L’intitulé de l’œuvre, qui signifie littéralement le « contrôle (au) sol » (il renvoie par exemple à l’arpenteur-géomètre qui fixe des repères sur le terrain et mesure les élévations afin d’établir des cartes, ou désigne en aéronautique, la station sol émettant les ordres) se réfère ici à la variation des lois physiques au cours d’une journée. Fluctuant de manière irréelle dans l’espace, Ground Control se révèle pourtant être le marqueur des conditions de vie terrestre, dont la course évolue en fonction des paramètres de température et de pression atmosphérique. Par exemple, la présence accrue de visiteurs proches du ballon modifiera perceptiblement son trajet étant donné la température des corps. Dans l’installation, on comprend que la sculpture « ballon » – cette « sculpture sans socle », comme se plaît à la qualifier l’artiste – ne peut fonctionner sans l’air et les paramètres qui déterminent son itinéraire dans l’espace qui lui est alloué. L’œuvre nous fait prendre conscience des mécanismes sous-jacents dans lesquels même des modifications infinitésimales suffisent à produire le changement. Par ailleurs, la sphère (et le cercle) appartient au vocabulaire formel de l’artiste, dont la syntaxe métaphorique se réfère aux éléments de vie, comme la planète ou la graine plaidant pour la figure générique de l’existence et de l’âme.
Dans l’œuvre d’Edith Dekyndt, le temps est crucial. Qu’il s’entende chronologiquement ou se réfère au rythme saisonnier, le temps est employé comme un marqueur irréversible venant imprimer son impermanence aux choses, parfois même de manière subliminale. Semblant défier la loi de la gravité, Ground Control ouvre aussi les portes de l’imaginaire, opérant un glissement dans une énième dimension, qui se dresserait devant nos yeux, provoquant le désir d’y pénétrer. Nul doute que d’aucuns se prendront à rêver de la possibilité d’un monde aux montagnes flottantes, dont la magie des bottes de sept lieues régenterait la marche.
Cécilia Bezzan
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