Fiona Tan
|
Née en 1966 à Pekan Baru (ID)
Vit et travaille à Amsterdam (NL) |
|
Downside Up
2002
Vidéo, noir et blanc, sonore Durée : 2'04'' Acquisition: 2002 |
Partant de sa propre expérience multiculturelle et plurilinguistique, Fiona Tan met en exergue dans ses photographies comme dans ses films les appartenances à des communautés sociales et culturelles les plus diverses. L’installation Countenance, exposée à la Documenta 11, montre ainsi deux cents portraits d’habitants de Berlin, et Correction, trois cents séquences vidéo de prisonniers et de gardiens filmés en Illinois et en Californie. Dans Downside Up, vidéo noir et blanc énigmatique à plus d’un titre, des formes indéterminées apparaissent au début. Il faut alors attendre quelques secondes, bercées par le cadencement poétique des images et des sons, pour comprendre qu’il s’agit des ombres portées d’individus défilant dans une rue. Les uns marchent lentement, d’autres courent ou circulent à vélo et la vidéo apparaît alors comme un autre de ces portraits de famille virtuelle. Le procédé est assez classique depuis Hommes du XXème siècle d’August Sander et The Family of Man d’Edward Steichen, mais dans Downside Up rien ne permet d’identifier clairement les corps. En effet, comme dans la caverne de Platon, on n’en aperçoit que l’ombre, ici portée au sol et seules les différences de taille permettent de percevoir qu’il s’agit d’êtres humains à différents âges de la vie. Si la composition visuelle évoque celle de la photographie d’avant-garde et de Boulevard d’Alexandre Rodtchenko (1929-1930) en particulier, dans ce travail l’image est inversée dans le sens de la verticalité (ce que nous indique déjà son titre, littéralement «Sens dessus dessous»). Un texte sur trois cartons d’intertitre au début de la vidéo fournit cependant une piste de lecture importante : «Imaginez un voyage aux quatre coins de la terre. Simplement pour découvrir que le monde est plat. Aucun sens à creuser pour rejoindre la Chine. / Je pourrais être un bateau flottant sur un océan lisse comme le verre. Sur l’eau – une mince tranche de réalité où le ciel et la terre se touchent. / Tandis que les vents soufflent, le bateau est ballotté, déchiré je perds le Nord. Mais, après tout, est-ce une si mauvaise chose?». Celui-ci semble induire la portée universelle de la séquence filmée en pleine rue. La rue apparaît alors comme un indice occidental dans un environnement qui pourrait être oriental et où les jeux de lumière renvoient aux ombres chinoises (clin d’œil à l’une des origines culturelles de l’artiste ?). La vidéo prend ainsi toute sa portée contemplative pour laisser voguer l’imagination du regardeur qui doit recomposer un film abstrait entre les mots et les stances visuelles qui défilent devant lui. Alors que des sons de pas, de circulation ou de murmures ponctuent cette projection des plus mentales et subjectives. Frédéric Maufras |
|
|