Thomas Hirschhorn
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Né en 1957 à Berne (CH)
Vit et travaille à Paris (FR) |
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M2 social, Metz
1996
Installation 3 x 8 x 3,8 m Acquisition: 1996 |
Thomas Hirschhorn critique souvent la notion de contexte qui générerait un certain type d’œuvre. Pour lui, c’est l’œuvre qui crée son propre espace, autonome, aussi bien au sein d’un espace muséal que d’un site a priori non destiné à accueillir une œuvre d’art. C’est à Borny, en périphérie de Metz, adossé à un baraquement servant de lieu de réunion à des associations de travailleurs turcs, que l’artiste a construit, en collaboration avec un jeune habitant du quartier, le M2 social. Une œuvre au titre chargé d’ironie, évoquant directement la terminologie administrative des offices HLM, qui attribuent dans leurs cahiers des charges des espaces dévolus aux associations. Comme toutes les sculptures de Thomas Hirschhorn, le M2 social est constitué de matériaux précaires et bon marché, facilement remplaçables ; il est conçu pour avoir un maximum de visibilité (choix de l’emplacement, utilisation de lumière artificielle pour un fonctionnement 24h/24…) tout en restant un espace fermé, une vitrine éphémère derrière laquelle sont disposés, sur des tables, des collages sur des morceaux de carton d’emballage. L’artiste y assemble des images de presse et de publicité, parmi lesquelles il essaie de rétablir un sens, établissant fébrilement des tentatives de hiérarchie et des classements délibérément maladroits. Ses commentaires et ses interrogations, inscrits sommairement au stylo à bille, prennent souvent la forme d’aveux de faiblesse, d’impuissance et d’incompréhension, constituant une politique du premier degré, une stratégie de la lourdeur face à la fluidité des glissements entre information et publicité au sein des médias. Hirschhorn prend le risque de la confusion, de l’incompréhension, plutôt que de vouloir diriger le sens et d’appliquer une quelconque idéologie. Si le M2 social se veut visible, il n’est pas pour autant totalement lisible. L’accumulation des collages se dérobe au regard, créant cette sensation de surproduction, de «surrégime», qui caractérise le travail de l’artiste. Leur mode de présentation, à l’horizontal, fait référence aux vitrines, présentoirs et autres formes populaires (mais aussi commerciales) de monstration d’un travail accompli. Proche également de la table de travail, il s’oppose à la forme du tableau, verticale, qui suppose isolement et contemplation. Dans le M2 social, un collage unique (n’importe lequel, a priori) est accroché verticalement, mais relié aux autres par un cordon de papier d’aluminium. «Fabriquer tout à la main, ne rien agrandir, ne rien réduire. Connecter tous les éléments, ne rien isoler, ne rien laisser de côté. Pas de hiérarchie»1, tel est le credo revendiqué par l’artiste, mû par une conscience politique et une position critique vis-à-vis du monde contemporain, et dont le but avoué est d’amener le spectateur à se «relier au monde». François Piron 1 Thomas Hirschhorn, cité in Pascaline Cuvelier, «Weak Affinities», Artforum, New York, 1998. |
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