France
1989
Photographie noir et blanc, tirage argentique
39,5 x 50 cm
Acquisition: 1990
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Lorsque Werner Hannappel photographie les paysages du grand Nord ou de l’Ouest de la France, c’est pour en apprécier la structure interne, l’ordre spatial sous-jacent au chaos informel, son aspect sculptural retenu ou dévoilé par l’objectif. Aucune marque d’ordre culturel ne vient reconnaître le lieu. Indifférents et semblables, les sites sont appréhendés pour leurs résonances formelles, pour les affinités profondes qui s’établissent entre des éléments d’échelles différentes. À la recherche d’espaces vierges, Hannappel construit ou compose, avec ce qui lui est donné (branches, pierres…) ou ce qui est simplement là, des espaces clôturés par des lignes géométriques : ces lieux investis d’une solitude grandiose et éternelle, d’une dimension métaphysique qui semble émaner de quelques pratiques rituelles enfouies dans l’âge des pierres. Telle roche fissurée, oeuvre oubliée, baignée dans la lumière naturelle, est devenue, grâce au constat photographique, un objet de contemplation. Hannappel découvre ainsi le vocabulaire et les traces des lois immuables de la nature édifiées sur les strates du temps et l’étagement du ciel, des eaux et de la terre. Cette approche sobre et rigoureuse attachée à la beauté mélancolique du paysage repose sur une vision transcendante des rapports nature/culture hérités de la tradition romantique de Caspar David Friedrich. Exaltée depuis les années 1970 par les artistes du Land Art tels Hamish Fulton et Richard Long, la nature est appréhendée comme un lieu de liberté créatrice et un lieu de mémoire où sont écrites l’origine et l’essence de l’activité physique et mentale de l’homme. La démarche de ces artistes comme celle de Werner Hannappel porte en elle une angoisse existentielle liée à la perte croissante d’un lien authentique avec les éléments naturels.
Maïté Vissault
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