Tohu Bohu
1992
Armoire, terre glaise, verre dépoli
232 x 118 x 50 cm
Acquisition: 1994
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Porte ouverte sur l’opacité de la mémoire, l’œuvre de Jérôme Basserode s’inscrit dans la durée, dans la matière fragmentée d’un monde nomade. Ses travaux sont des architectures de la pensée, des métaphores d’un monde organisé qui s’éloigne lentement du chaos originel et indifférencié de la nature pour s’épanouir dans la plénitude. Ici, les éléments naturels souvent employés par l’artiste (arbres, tourbe, feuilles, graines, glaise…) s’insèrent dans des objets construits et contenants (maisons, boîtes, armoires, tiroirs, coquilles…) dont le principe rigoureux de classification détruit tout sentimentalisme de la nature pour introduire l’organisation et la raison à l’origine de toute chose. Dans la lignée de Broodthaers, l’insertion poétique du vivant chez Basserode est un acte de langage, un signe de culture qui refuse l’indéterminé du sujet et crée du sens comme principe en devenir et outil de manipulation. Cependant la domination du «cerveau» se meut dans l’expérimentation aux frontières de la contradiction, du paradoxe et de l’inversion. La porte mobile de l’armoire Tohu Bohu convie le spectateur à un jeu avec le caché, le secret enfoui, tout en contredisant son espérance, lors de l’ouverture, par le paradoxe perçu du «voile» vitré et l’intrusion du mur. Le fragment, la fissure, le proche et le lointain littéralement présents construisent une métaphore visuelle de l’aura telle que W. Benjamin la définit. Citations et mosaïques du travail de la mémoire, les éléments avec lesquels Basserode construit sont les objets de la métamorphose lente de la pensée. La dualité entre l’extérieur et l’intérieur, entre la transparence et l’opacité, est enfermée au cœur de la réalité et l’artiste l’utilise comme propension au mouvement.
Maïté Vissault
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