«Pardonnons donc à cette extravagante nation ses costumes métalliques», Jean-Henri Fabre.
Inclassable parce qu’inextinguible, le travail de Jan Fabre explore tous les domaines de la médiation artistique (théâtre, opéra, vidéo, chorégraphie, performance, dessins,
installations…). Poursuivant sa recherche ardente de la beauté, de la liberté, Jan Fabre ne souhaite pas dévoiler le labyrinthe de son art. Exigeant, il permet le voyage vers son imaginaire mais n’offre surtout pas les clefs de
lecture de son monde merveilleux.
Volontiers lyrique et grandiloquent, Jan Fabre appréhende le monde sous la seule lumière de son imagination : «La naïveté dans mes dessins relève davantage d’une force primaire parce que les dessins sont presque mon cercueil de verre où j’explore les limites de mon moi.
C’est un regard direct sur ma propre mort, folie et disparition.
Les dessins sont une catharsis d’une action et
d’un enregistrement de temps immédiats. Ils sont une conspiration directe de forces qui se trouvent dans mon cœur et dans mon corps. C’est une quête d’un pacte entre le diable physique et l’ange de ma pensée. Je suis le Lancelot de mon propre conte de fées.»
Dans ses premières performances, à la fin des années 1970, Jan Fabre utilise le stylo à bille bleu. Le «bic» le plus banal devient son médium de prédilection. Puis, vers le milieu des années 1980 apparaissent dans ses dessins de vagues représentations d’animaux nocturnes (hiboux, chauves-souris, insectes): Jan Fabre se réfère aux textes de Jean-Henri Fabre, célèbre entomologiste français (1823-1915).
L’installation des petites croix bleues, soigneusement ordonnancées sur le modèle des cimetières militaires est une allusion émouvante au destin parallèle des insectes et des hommes. Sur chacune des croix est gravé le nom flamand d’une famille d’insectes, métaphore du destin de l’homme ordinaire. Bouclier anonyme, vulnérable, lié ontologiquement au sacrifice, il défend les idéologies et autres philosophies d’une vie en société réglementée, hiérarchisée, violente, cruelle et cannibale.
Dans l’inconscient collectif, l’insecte est le paria, l’animal indigne de la création divine et pourtant le plus ancien être vivant sur la planète. Il est le témoignage vivant, grouillant de nos instincts les plus primitifs, les plus guerriers. Fabre désigne par le merveilleux l’abjection de nos désirs et de nos sens.
Béatrice Josse