Die befreiung der finger n°5
1979
Photographie noir et blanc, tirage argentique
40 x 30 cm
Acquisition: 1988
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Pour Dieter Appelt, la photographie est une pratique plasticienne, travaillée et préparée, ouvertement formelle, à l’encontre d’un modèle convenu du «clic-clac» spontané. Temps de pause plus que temps de pose. Rien d’automatique ni de magique, mais les conditions données à une représentation de s’imprimer, pour révéler une ontologie de l’objet ou de la scène plus que rendre compte d’un instant fugace. Une sorte d’empirisme pictural : montrer le temps à l’œuvre plus que le figer. Mais Appelt, s’il utilise l’image, n’est pas photographe. Il serait bien plutôt sculpteur (représentation de volumes dans l’espace et utilisation de matériaux bruts pour modeler, cristalliser, méduser), performeur (utilisant son corps comme support pictural à la manière des artistes buto ou d’un Schwarzkogler), cinéaste (un montage sériel des images démarrant une narration), voire musicien (rejouant ses motifs sous forme de partitions, en tonalité résolument mineure). De fait, pour cet artiste, né en Allemagne de l’Est en 1935, la question essentielle, au-delà du médium, concerne certainement les limites et les possibilités de la représentation, les manières de travailler l’ineffable de la douleur universelle et de la mort. Deux réponses : d’abord représentation de son propre corps, mais corrompu, comme rédemption ou invocation chamanique des âmes disparues. Un narcissisme «critique», au bord de la destruction. Ensuite l’utilisation de procédés artisanaux de prises de vues et de développement dans un objectif de déréalisation de l’image. Non plus enregistrement mais contretype imparfait du réel, de type onirique, qui reprend le grésillement visuel et le trouble des images mentales.
Guillaume Désanges
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