Né en 1946 à Buenos Aires (AR)
Vit et travaille entre New York (US), Los Angeles, Californie (US) et Paris (FR)
1994/2013
Papier plié
4,30 x 4,60 m
Acquisition: 2014
Né à Buenos Aires en 1946, David Lamelas est aujourd’hui considéré comme l’un des pionniers de l’art conceptuel et du cinéma expérimental. Initialement formé à la pratique sculpturale, c’est avec l’installation multimédia The Office of Information about the Vietnam War at Three Levels: The Visual Image, Text and Audio présentée à la Biennale de Venise en 1968 qu’il se fait connaître sur la scène internationale. Cette œuvre, qui analyse alors les changements de rapport au temps et aux média au sein d’une société de plus en plus centrée sur l’information, annonce un tournant dans la pratique de l’artiste et marque également son départ pour l’Europe. La même année, il s’installe à Londres où il étudie à la Central St. Martins, école de l’avant-garde britannique. C’est dans ce contexte que David Lamelas décide de s’orienter vers la photographie et la vidéo, engageant sa pratique vers la production de ‘formes sculpturales sans volume’. Le cinéma l’a toujours fasciné, et en particulier l’idée de projection, ce faisceau lumineux abstrait qui se matérialise en image une fois qu’il rencontre un écran. De la même manière que l’artiste a souvent retiré à ses sculptures leur traditionnel socle, il s’est également souvent débarrassé de l’écran dans le cadre de sa pratique cinématographique, projetant la lumière directement au mur ou au sol.
Au cours des quarante dernières années, l’œuvre de David Lamelas n’a cessé de faire des allers retours entre sculpture, performance et film, et c’est dans cette lignée que s’inscrit Pared Doblada. Déroutante de simplicité à la fois dans sa forme et dans les gestes, l’œuvre consiste en une large feuille de papier blanc dépliée, subtilement accrochée au mur de la galerie. Littéralement, un mur plié, pliable et dépliable à l’infini, conçu pour être transporté dans une petite valise. Réalisée pour la première fois en 1994 à l’occasion d’une exposition à Buenos Aires, l’œuvre avait été imaginée par l’artiste comme la réplique d’un des murs de son atelier à Manhattan et matérialisée en papier de soie (washi) par un artisan japonais. Le Pared Doblada appartenant au 49 Nord 6 Est – Frac Lorraine est cependant le double d’un autre mur, celui de la galerie Kayne Griffin Corcoran à Los Angeles. Fabriquée dix ans plus tard, cette deuxième version, contrairement à la première qui consistait en une seule grande feuille, est fait de deux pans scotchés, l’exploit inédit de faire de l’œuvre un seul morceau n’ayant pu alors être complètement répliqué.
Nombre des considérations récurrentes dans le travail de David Lamelas sont réunies dans Pared Doblada, que celles-ci soient liées à la sculpture, aux notions de volume et d’espace ou encore au phénomène abstrait de projection. Non sans lien avec sa pratique filmique, l’œuvre peut être vue comme un écran sur lequel le regard du visiteur vient se projeter pour y contempler l’architecture du lieu-même ou d’un ailleurs. Au-delà d’être une simple réplique du mur, cette feuille de papier est l’empreinte d’un espace et de son atmosphère ici réduits à leur minimum. C’est aussi un extrait du temps de l’exposition, la matérialisation d’un instant qui se déplie et se déploie : une sculpture de temps et d’espace qui s’emporte partout. Il faut dire que David Lamelas est un grand voyageur. De Buenos Aires à Londres, en passant par Bruxelles, Paris et New York, l’artiste a vécu et travaillé dans des pays différents, chacune de ses destinations ayant exercé sur son travail une influence spécifique. Ce sont cette expérience personnelle de déplacement et ses efforts de constamment s’adapter à de nouvelles cultures qui font que l’œuvre de David Lamelas résistera encore longtemps aux classifications traditionnelles de l’art et continuera à nous parler de la manière la plus universelle qui soit.
Louise Chignac