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Álvaro Barrios

Né en 1945 à Barranquilla (CO). Vit et travaille à Barranquilla (CO)


El Mar Caribe

1971-2004
Installation
Dimension variable
Acquisition: 2011


Le jeune colombien Álvaro Barrios élabore El Mar Caribe (La Mer des Caraïbes) en 1971 pour la 7ème Biennale de Paris 1. La circonstance n’a rien d’anodin : bien que la manifestation se revendique internationale dès son lancement en 1959, elle peine en fait à intégrer des latitudes échappant au style cosmopolite. En témoigne cette septième édition, où la mise en place des trois options thématiques – Concept, Intervention et Hyperréalisme – n’aura pas empêché la formation in extremis d’une section fourre-tout. En dépit de sa nature clairement conceptuelle et minimale, c’est dans cette Option IV simplement triée par nationalités qu’atterrit El Mar Caribe. Le projet initial devait associer « une carte géante de Colombie, son écusson et son drapeau » 2. Peut-être était-il question de donner à la très occidentale Biennale une petite leçon de géographie.

La revendication identitaire échappe pourtant au vocabulaire de Barrios, assimilant au contraire les poncifs de l’art occidental dans de savoureux dessins, collages et bandes-dessinées, truffés d’unions impures et anachroniques : art nouveau, symbolisme, surréalisme, pop art et science-fiction. L’irrévérence érudite, le mauvais goût et le pastiche sont dans l’esprit du dandy. Comme l’atteste une variation du projet 3, il était initialement prévu de pouvoir inscrire à même les fragments de carte des commentaires personnels sur la Colombie ou d’en trouer certains endroits à l’aide d’une cigarette, tandis qu’une voix devait débiter en français diverses informations touristiques sur le pays, allant jusqu’au prix des vols. Le projet Colombia devint finalement El Mar Caribe, troquant contre la Colombie la Mer des Caraïbes, caviardant la lisibilité des terres par l’aplat marin. Un bleu céruléen impénétrable, d’un exotisme parfaitement amnésique.

Encrées au recto et au verso d’une plage cyan pur, au pied de laquelle figurent des coordonnées géodésiques, les 125 sérigraphies d’_El Mar Caribe_ agrandissent les divisions qui quadrillent la carte marine. La fiction cartographique est déconfite : l’environnement spatial atomise l’intégrité, la planéité et la frontalité qui faisaient du planisphère une image intelligible. La grille du cartographe, conquérante et ordonnatrice, est explosée au plafond. Les impressions sont suspendues à des cordes par des pinces à linge, comme dans un gigantesque séchoir où l’on attendrait que l’eau figurée s’évapore enfin. Bien sûr, l’accrochage tient aussi d’une communication populaire chère à l’artiste : celle des tracts de l’atelier sérigraphique ou des periodicos del cordel, illustrés jadis suspendus dans la rue à l’intention d’un lectorat illettré. Subrepticement, l’installation réussit la fusion de registres antagoniques, introduisant au sein d’un minimalisme intouchable ces emprunts vernaculaires.

Hélène Meisel

1 La Biennale de Paris a existé de 1959 à 1985.

2 Septième Biennale de Paris, cat. exp. [Paris, Parc floral de Vincennes, 24 sept. – 1er nov. 1971], Paris, 1971, p. 224.

3 Précisions décrites dans Hacia un Perfil del Arte Latinamerico (Towards a Profil of Latin American Art), 1972, commissaire Jorge Glusberg, CAYC (Center of Art and Communication), Buenos Aires.

Site internet de l’artiste