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Ian Wilson

Né en 1940
Vit et travaille à Woodridge (NY, US)


Chalk Circle on the Floor

1968
Sculpture éphémère, cercle de 183 cm de diamètre tracé à la craie sur un sol
Acquisition: 2011


Dessiné sur le sol à la craie blanche, le cercle qui compose l’œuvre Chalk Circle on the Floor (1968) de Ian Wilson interpelle d’abord par la rigueur de sa forme pure et par la retenue des moyens utilisés pour sa réalisation. Son protocole de fabrication tient en quelques lignes, il décrit une mise en œuvre d’une grande simplicité à partir d’une craie blanche, d’une ficelle et d’un clou 1. D’un diamètre de 183 cm et d’une épaisseur de 1,25 cm, le tracé s’inscrit directement dans l’espace réel, celui du spectateur. Il dépasse la seule question de la représentation pour déborder sur son environnement direct et se définir alors, non pas comme un dessin stricto sensu, mais en tant que morceau de territoire que l’on peut, suivant les consignes de l’artiste, traverser ou contourner. En ce qu’elle trouve dans le réel un terrain d’action bien plus spécifique que la surface d’une toile, on peut dire que l’œuvre de Ian Wilson participe aux recherches artistiques minimales menées dans les années 1960. On pourrait même voir dans ce rond au sol une réponse à la charge du critique d’art américain Michael Fried qui, dans un célèbre texte publié en 1967 2, s’attaquait à la « théâtralité » de l’art minimal. En effet, ici l’œuvre semble délimiter un espace d’interaction qu’on pourrait qualifier de « scénique ».

En outre, le glissement du dessin vers l’espace énonce également l’intérêt que porte l’artiste à la mise en question de la nature même des œuvres d’art. Chalk Circle on the Floor, montrée la première fois à la Bykert Gallery de New York, est une édition illimitée, signée d’un certificat, possiblement reproductible dans différents lieux simultanément. Potentiellement ubique et démultiplié, le cercle au sol existe d’abord à travers un protocole. La nature fugace de l’œuvre (qui disparaît à chaque fin d’exposition) affirme la primauté de son existence dans le concept.

Dans le travail de Ian Wilson, Chalk Circle on the Floor opère la jonction entre une production picturale et sculpturale, qui jusqu’en 1968 s’attachait à un certain type de représentation 3, et une pratique purement conceptuelle s’étant dégagée des questions formalistes et matérialistes pour ne plus se fonder que sur le langage, les discussions. Le cercle à la craie dessinée sur le sol est ainsi la dernière forme réalisée par l’artiste avant son abandon définitif de tout moyen de production autre que la « communication orale ».

L’analyse formelle du dessin se heurte à la parfaite égalité de sa composition. Nue de tout artifice, soustraite à tous types d’éléments invalidant ou complexifiant le langage, l’œuvre n’existe qu’à la faveur d’un trait altérable. La forme circulaire, ainsi tracée, figure un infini sans début ni fin, une circulation, un éternel recommencement, un flux, qui s’assimile à celui du temps 4. La révolution du tracé répond au cycle d’activation/désactivation de l’œuvre qui se joue à chaque exposition. En mettant en dialogue une forme et de son processus de réalisation, l’artiste inscrit avec force l’abstraction dans le tangible.

Guillaume Mansart

1 « Attach a white china chalk pencil to one end of a 3 foot long thin wire (the actual chalk coneter of the pencil would be 3/8 of an inch before sharpening). At the other end of the wire attach a nail. After hammering the nail into the floor, draw the circle around the nail, keeping the wire taut. Using the enclosed photo of the density of the white chalk, gradually build up the line until it is 1/2 an inch thick. When the circle is draw, remove the nail from the floor. From time to time using the above described method, redraw any portions of the circle that have been smudged, keeping the circle as clean and as well defined as possible. », instruction pour la réalisation de l’œuvre citée par Anne Rorimer dans « Ian Wilson – The Object of Thought », in Ian Wilson, The Discussions, Van Abbemuseum, Eindhoven, MACBA, Barcelone et MAMCO, Genève.

2 Michael Fried, « Art and Objecthood », in Artforum 5, juin 1967.

3 Les peintures que réalise Ian Wilson au milieu des années 1960 peuvent s’apparenter à de l’art non-objectif. Elles tentent de pousser l’abstraction jusqu’à son paroxysme le dégageant définitivement de tout rapport aux objets ou à la matérialité du monde.

4 Notons ici que la première œuvre purement dématérialisée de Ian Wilson est le mot « temps » qui fait aussi partie de la Collection du Frac Lorraine.