Née en 1933 à Sapporo(JP). Vit et travaille à Tokyo (JP).
2011
Installation in-situ
Sculpture de brouillard et jardin japonais
Paysagiste : Masatsugu Matsudaira
Acquisition: 2010
En 1970, Fujiko Nayaka crée, dans le cadre de l’Exposition universelle d’Osaka, Pepsi Pavillon – Fog Sculpture #47773_. Première des quelques cinquante « sculptures de brouillard » que l’artiste japonaise a produites. Soit dans des environnements naturels (Foggy Wake in a Desert : An Ecosphere – Fog Sculpture #94925_, en 1983, en Australie), soit dans des espaces publics, architecturaux ou muséaux (F. O. G. – Fog Sculpture #08025, en 1998, au musée Guggenheim de Bilbao), soit pour des espaces scéniques. On retiendra ses collaborations avec les chorégraphes Trisha Brown, en 1980, pour Opal Loop – Fog Installation #72503 City, ou, en 2013, Gisèle Vienne pour This Is How You Will Disappear (The Broken Version).
Formée, dans les années 1950, à la Japan Women’s University de Tokyo, puis à la Northwestern University d’Evanton, dans l’Illinois, aux Etats-Unis, Nakaya – qui sera pionnière de l’art vidéo dans son pays durant la décennie 70 – a, d’abord, une pratique de peintre abstrait, qu’elle développe lors de séjours à Paris et à Madrid. Comme nombre d’artistes de sa génération (Robert Morris, par exemple, qui fut l’un des premiers à travailler avec de la vapeur d’eau : Steam, 1967), elle va sortir de la bi-dimensionnalité et de la fixité du tableau pour créer des environnements immersifs. Néanmoins, sa période picturale est singulière par une façon radicale de dissoudre les formes et les contours, de se placer dans ce que Nakaya nomme des « décompositions » 1 d’éléments naturels peints (des nuages, dans la série Clouds de 1960-1961), se situant à la jonction entre processus de dégradation et matière muable. Ainsi, choisir le brouillard comme matériau de formes, c’est travailler avec du vivant, de l’instable, de l’éphémère, de l’imprévisible, du mouvant ; c’est travailler avec la nature dans une connaissance scientifique de sa structure, de sa dynamique. Nakaya, dans sa « re-production » 2 du brouillard naturel se souvient des conseils de son père, le physicien Ukichiro Nakaya 3, qui découvrit le processus de formation des cristaux de neige et créa la première neige artificielle : « Tu dois écouter la glace si tu veux la comprendre. » 4.
L’artiste écoute donc la brume, le nuage, le vent… Pour l’installation permanente Moss Garden Nicey-sur-Aire – Fog Garden #07172, conçue dans l’un des méandres de la rivière Aire, près du village meusien de Nicey, elle façonne, dans un paysage boisé modulé par un jardin japonais, un nouveau brouillard. Artificiel puisqu’il vient se mouler au cœur des phénomènes atmosphériques ambiants, mais naturel dans ses propriétés physiques, car constitué de microgouttelettes d’eau pure produites et diffusées grâce à cette technologie mise au point, dès 1970, avec les ingénieurs d’Experiments in Art and Technology (fondé, en 1965, par Robert Rauschenberg). Expérience tactile et visuelle, les brouillards de Fujiko Nakaya révèlent, modifient le paysage, engageant tous les sens du visiteur, dans une écoute aiguisée de la nature et de sa fragilité.
Marjorie Micucci
1 Urara Nakamura, Les Peintures de Fujiko Nakaya, in Fujiko Nakaya, Fog Brouillard, sous la direction d’Anne-Marie Duguet, Éditions Anarchive, Paris-Tokyo, 2012, p. 383.
2 Anne-Marie Duguet, Naturellement artificiel, ibidem, p. 23.
3 Kenjirô Okazaki, Le brouillard sans la nébulosité – Un mouvement de particules d’eau légères et radieuses, ibidem, p. 92-94.
4 Conversations avec le vent – Entretien avec Julie Martin, 21 novembre 1998, Bilbao, ibidem, p. 234