Née en 1974 à Montréal (CA)
Vit et travaille au Montréal (CA)
2002
vidéo couleur, non sonore
durée : 11'55''
Acquisition: 2009
« Il faut avoir un chaos en soi-même pour accoucher d’une étoile qui danse. »1
Le film vidéo Wish2 se présente en projection au mur. Il se compose de deux séquences enchaînées en boucle : une forme de « zip » ou fente sombre, trait vertical sautillant sur un arrière-plan vide qui s’élargit en bande de congestion de motifs flottants. Son formalisme affirmé, noir et blanc, expressionniste et abstrait, sorte de « white out»3, laisse le spectateur dans le silence.
L’apparition intermittente d’une main blanche dans le rayon d’ombre révèle la présence spectrale d’un corps en mouvement : celui de l’artiste, plus précisément celui de Nadia Myre. Celui d’une artiste canadienne qui explore les sources de la culture, l’histoire et la mémoire de ses ancêtres autochtones Algonquin comme moyen de mise au premier plan des réalités contemporaines.
Elle s’est filmée dans l’exécution d’un rituel solitaire, une « prière active » – « the motion of Grandmother’ Circle », transe arythmique composée de sauts verticaux destinée à relier le pratiquant au cercle de ses ancêtres. Un montage numérique métamorphose l’enregistrement en jeu de perception qui précipite identité et informe en un seul sillon dans l’image, métaphore d’une frontière indéterminée entre culture4 et œuvre.
Wish expose une déconstruction des identités et des genres où se confrontent plusieurs histoires5:
- La prière comme expérience de transfiguration, élément d’une mythologie personnelle comme « l’antérieur de toutes les sédimentations formelles et rationnelles de la représentation »6 ;
- L’acte de filmer un corps et un rituel indigène qui se réfère à une pratique ethnographique de la caméra parfois poussée à un voyeurisme en veine de sauvagerie ou autre spectacle exotique jusqu’à la dépropriation de sa représentation pour le sujet ;
- Un formalisme aux effets de film expérimental qui déréalise le corps dans une dimension cryptographique jusqu’à son devenir signe. On peut alors lire un « I » (je) dans lequel Nadia Myre s’affirme comme l’auteur de son image, de sa figuration, se référant par antinomie aux films de Félix-Louis Regnault7. Accepter l’image est accepter la séparation, I, au mouvement fluide et organique, quasi- sexuel, métaphore d’un désir (wish) d’exploration intime.
Nadia Myre y écrit sa propre « allégorie de la caverne »8. Il ne reste alors que la répétition d’un soi, sa prière, son désir qui acte et qui prend acte où le corps en images de l’artiste/Myre est sans cesse traversée de mouvements internes intraduisibles pour nous faire entrevoir au-dedans de soi-même un monde beaucoup plus étendu que le monde réel, une vision inconnue par-delà bien et mal, le fantôme et l’étoile qui dansent.
Luc Jeand’heur
1 Friedrich Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra. Un livre pour tous et pour personne, 1883
2 Peut se traduire par désir au sens de souhait
3 black out en négatif
4 cf définition de l’UNESCO
5 Que je définis par la trinité : le déjà-là, le moi-là, le hors-là
6 Paul Mathias
7 (1847-1908) médecin précurseur des films éthnographiques réalisés au chronophotographe de Marey pour établir une anthropologie évolutionniste raciale
8 Platon, La République, -372