Né en 1969 à La Crosse (US)
Vit et travaille à New York (US)
2004
Installation murale, bois et lumière naturelle
Diamètre: 2 m
Acquisition: 2009
La technique, inscrite sur le cartel, dit paradoxalement beaucoup, malgré sa brièveté : “bois et lumière”. C’est tout. Et encore, le bois n’est ici qu’un support. On pourrait tout aussi bien dire : “vide et lumière”. Les interventions les plus minimales sont parfois les plus impressionnantes. Ce fascinant et hypnotique cercle lumineux flottant dans les airs est obtenu par une simple découpe en biseau dans une cloison, elle même placée devant une fenêtre. L’angle particulier de l’incision suffit à provoquer un effet de condensation et de diffraction de la lumière naturelle, et rendre éclatante cette percée. L’artiste américain Corey McCorkle a étudié l’architecture avant de devenir artiste. D’où sans doute son intérêt pour l’histoire et les formes de cette discipline, et plus spécifiquement ses investigations érudites dans les sphères troubles, voire franchement contradictoires, où l’architecture associe modernité et tradition, fonctionnalisme et ornementation, naturalisme et industrie. Ce faisant, il s’attache à contester l’idée de séparations tranchées entre les règnes esthétiques pour créer des situations et des objets ambivalents, complexes, indéterminés dans leurs enjeux et leur style. De la même manière, il aime réinvestir des techniques artisanales de la création (marqueterie, menuiserie, mais aussi vinification, par exemple) en ce qu’elles gardent la marque de leurs sources culturelles diversifiées. Comme des mille-feuilles notionnels. Ses interventions architecturales, sculpturales, photographiques ou filmiques s’appuient sur des études précises et documentées, qui mélangent des référents historiques, psychédéliques, politiques, écologiques et ésotériques, bien que leur apparence formelle reste toujours non discursive, abstraite et poétique. Extrêmement simple, toujours. Dans cette perspective, l’installation Heiligenschein fonctionne sur un bouleversement perceptif associant savoir et magie, aura et technique, à partir d’une intervention minimale sur l’espace. Le cercle – forme géométrique élémentaire, mais aussi métaphore solaire et divine – convoque une dimension mystique avec une économie, on dirait même une écologie artistique, exemplaire dans sa capacité à créer le maximum d’effet avec le minimum d’effets. Les impressions qu’elle provoque, entre persistance rétinienne et illusion d’optique, entre magnétisme et éblouissement, entre apparition et disparition (elle s’estompe jusqu’à disparaître totalement lorsqu’on la fixe intensément) sont variées. Le sensationnel le dispute donc ici au rudimentaire. Le titre, qui signifie l’aura sacrée en allemand, renvoie à la lumière sainte, mais aussi à un phénomène optique existant sous certaines conditions : la création d’un halo par diffraction de la lumière autour d’un corps. Jouant sur une atemporalité des formes, sur des sauts entre les époques et les géographies, entre le surnaturel et le spectaculaire, cette œuvre condense en elle-même des enjeux contradictoires entre l’art minimal, a priori rationnel et pragmatique, et les vertus auratiques du matériau. Les formes les plus élémentaires sont souvent celles qui irradient du maximum de complexité, de par leur indétermination fondamentale. Par ailleurs le caractère purement “naturel”, voire naturaliste de cette œuvre implique aussi son instabilité, voire sa précarité biologique, car si elle irradie à la lumière, elle se désactive progressivement, à l’inverse, lorsque le jour décline… pour renaître indéfiniment.
Guillaume Désanges