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Dominika Skutnik

Née en 1971 à Gdansk (PL)
Vit et travaille à Gdansk (PL)


One Ton in the Air

2003
Etais de maçonnerie
Dimensions variables
Acquisition: 2003


L’espace de la galerie est vide. Cette vacance est questionnée par les tentatives artistiques et curatoriales ainsi que par la présence même de ceux qui y pénètrent. Or, la sémiotique de l’espace de la galerie est complexe tant du point de vue émotionnel qu’intellectuel, il n’y a pas de rapport innocent avec lui. One Ton in the Air (2003) de Dominika Skutnik fonctionne à la fois dans l’espace et sur le corps de celui ou celle qui s’y aventure. L’œuvre provoque d’abord la stupéfaction en faisant rentrer entre les murs d’un espace relativement réduit une quantité énorme de matériaux de construction métalliques. Il s’agit d’une de ces choses à l’air décalé ou inapproprié qui ne devraient pas être là. La manière dont l’œuvre s’appuie contre le mur de la galerie crée une réelle tension à l’intérieur du lieu. Les murs du cube blanc sont sur le point de se fissurer, forcés de porter le poids inhabituel d’éléments d’échafaudage en extension. Mais cela fonctionne également en termes d’émotion comme une agression passive dans le cadre des relations entre ceux qui fabriquent, produisent, présentent et consomment l’art. Celui qui entre dans l’espace de la galerie n’est plus ici le regardeur ou le spectateur, mais participe plutôt à une relation spatiale, un rapport de puissance, une domination physique, un jeu psychologique. Dans le travail de Dominika Skutnik, on l’expérimente à ses risques et périls, bien que le danger ne réside peut-être que dans l’imagination de chacun.
Plusieurs œuvres de Skutnik, par exemple Field (2003), Wreath (2003) ou Tattoo (2005), ont recours à la présence invisible, et dans deux cas également silencieuse, d’un champ électromagnétique. Nous sommes censés introduire la tête, voire parfois tout le corps, dans la structure génératrice – traduite en dessin spatial ou forme sculpturale. Son fonctionnement potentiel n’est pas visible. Nous ne pouvons même pas le sentir. Mais nous sommes conscients qu’elle pourrait avoir quelque effet sur le corps, sur la santé ou sur la pensée. Cependant, la connaissance de la présence réelle de ce champ nous vient de l’artiste, et nous devons lui faire confiance quant à la réalité de cette présence. Ceci crée une ambiguïté entre confiance et méfiance, entre crainte et courage. Headhunter (2004), lourd couteau mezzaluna très affûté suspendu, dans le cadre d’une exposition, au-dessus de l’escalier menant au sous-sol, créait une tension entre l’architecture, le besoin d‘explorer la zone et une expérience de vrai danger que la lame pouvait éventuellement représenter. One Ton in the Air est visiblement lourd, mais ici encore le vrai poids n’est pas connu. Skutnik oblige le visiteur curieux à aller de l’autre côté de la pièce en passant sous la structure suspendue, pour voir ce qui se trouve de l’autre côté. Sa tactique est à la fois fondée sur la psychologie de la perception et fortement consciente – presque ironique – dans son commentaire sur les conditions spatiales de présentation de l’art. Ses installations révèlent une sorte d’étrange performativité de l’espace tout en laissant le spectateur indécis quant à la place qu’il y occupe. Son sujet va de la peur de l’espace de la galerie à l’aspect participatif de l’expérience esthétique, en passant par les émotions cachées que cela suscite.

Aneta Szylak