Née en 1924 à Budapest (HU)
Vit et travaille à Paris (FR)
1998-1999
Algorithme, fil noir, clous
Dimensions variables
Acquisition: 2001
Vera Molnar représente une des tendances les plus radicales d’un «minimalisme à la française»1 dont elle a contribué à établir les fondements. Ses premières œuvres, élaborées à partir d’un vocabulaire formel élémentaire (lignes, traits…) et d’une bichromie (noir et blanc), évoluent rapidement sous l’influence de Vantongerloo. Les textes de cet artiste néo-plasticien qui cherchait à définir la surface picturale et la composition du tableau au moyen de formules mathématiques, offrent un écho aux préoccupations de Vera Molnar et orientent son travail vers une recherche plastique rigoureuse et systématique qui s’apparente à la méthode scientifique et au champ de l’expérimentation.
Proche du Groupe de Recherche d’Art Visuel2 et notamment de François Morellet, qui prônait une rationalisation de la peinture et proposait d’établir les bases d’une science de l’art, Vera Molnar occulte alors la dimension spirituelle et symbolique inhérente au travail de Vantongerloo, pour se focaliser sur les seules relations entre mathématiques et art. L’œuvre n’est plus qu’expérience visuelle : «Dans mon travail, il n’y a pas d’ingrédient de nature symbolique métaphysique mystique il n’y a pas de message, aucun message ni de raton laveur.»3 Cette approche fondée sur l’expérience visuelle est relayée par les recherches de son époux, François Molnar spécialiste de psychophysiologie de la vision.
À partir de 1968, Vera Molnar intègre les nouvelles technologies à son travail. L’ordinateur devient un outil au service de ses expérimentations et la base d’une nouvelle méthode de création. Les œuvres, réalisées par informatique, résultent de la rédaction d’un programme et, par conséquent, d’une série d’opérations. Les images sont donc produites selon un système, une méthode, prédéterminés et rigoureux qui mettent en évidence le processus de réalisation. Cependant l’artiste ne délègue pas l’intégralité de la création : «l’ordinateur n’est qu’un outil qui permet de libérer la peinture des pesanteurs d’un héritage classique sclérosé. Son immense capacité combinatoire facilite l’investigation systématique du champ infini des possibles.»4
Promenade (presque) aléatoire relève des dernières expérimentations de l’artiste. L’œuvre résulte d’un algorithme crée par Vera Molnar et programmé par le mathématicien et artiste Erwin Steller. Les formes engendrées par cette figure mathématique sont imprimées puis reproduites sur le mur de l’espace d’exposition à l’aide de petits clous et d’un fil de coton noir. Le support papier est ainsi abandonné au profit de l’installation. Les lignes, répétées en une frise continue sans début ni fin, permettent de jouer sur la perception de l’espace et de la surface murale. Les formules mathématiques abstraites et rigoureuses s’incar-nent dans cette fragile et sensible matérialité d’une ligne qui «chemine en sautant, glissant, tâtonnant, à cloche-pied, poussant, fuyant […], recommençant et continuant insensée encore et encore»5.
Hélène Guenin
1 Expression introduite par Serge Lemoine.
2 Le Groupe de Recherche d’Art Visuel est fondé en juillet 1961 par François Morellet, Horacio Garcia Rossi, Julio Le Parc, Francisco Sobrino, Joël Stein et Jean-Pierre Yvaral.
3 Vera Molnar: inventaire 1946-1999, Preysing-Verlag, Ladenburg, 1999, p. 47.
4 Jean-Michel Place, «Vera Molnar, Regard sur mes images», in Revue d’esthétique, n° 7, Paris, 1984.
5 Solo d’un trait noir, Vera Molnar, 6 novembre 1997.