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Peter Fischli & David Weiss

Né en 1952 à Zurich (CH) où il vit et travaille /
Né en 1946, mort en 2012 à Zurich (CH)


Schublade

1987
Caoutchouc industriel noir
13.5 x 43 x 50 cm
Acquisition: 1991


«Un objet est coupable dès lors qu’il cesse de bouger, et coupable aussi quand il n’arrête pas de bouger.» (Fischli & Weiss, 1987)

Depuis le début de leur collaboration en 1979, ces deux artistes n’ont de cesse d’explorer les codes du quotidien, de les détourner, de les manipuler pour les faire entrer dans l’univers fantasmagorique du jeu, de la parodie et de l’humour, tout en leur conservant leur qualité de signes.
Affectionnant les supports traditionnels de présentation (vitrine, table, socle…), les techniques d’enregistrement (film, livre, photographie…), la mise en scène, l’exploration de la matière, Fischli & Weiss introduisent des objets et des images de l’univers familier dans l’enceinte du vocabulaire artistique, questionnant, à leur manière, la tradition de l’objet dans la sculpture moderne et contemporaine depuis le fameux geste de Duchamp de 1913 – une roue de bicyclette fixée à un tabouret – suivi des travaux cubistes, surréalistes, dadaïstes, du pop art…
Ces objets sont utilisés dans des situations incongrues, sujets et «âmes» d’une autre histoire, selon un classement dû à l’allégorie, à la métaphore, aux signaux, clichés ou formules langagières, ou encore en fonction du lieu, des assemblages et collages.
Dans leurs productions filmiques (Der geringste WiderstandLa moindre résistance –, 1980, Der rechte WegLe droit chemin –, 1982, Der Lauf der DingeLe cours des choses –, 1987…) et photographiques (WurstserieSérie des saucisses –, 1979…), les protagonistes sont des objets et des figurines évoluant dans un monde où ils sont rois de leur destin et de leur propre état. En 1980, ils inaugurent une série encyclopédique d’objets en argile (Plötzlich diese ÜbersichtSoudain cette vue d’ensemble –, 1981) classés en catégories physiques et métaphysiques, introduisant au sein de l’exposition un jeu entre le connu et l’inconnu, l’ordre et le désordre.
Continuant leurs productions de série-matières (polyuréthanne, 1983, plâtre, 1988…), ils réalisent en 1987 un ensemble en «gomme noire» dans laquelle s’intègre le «tiroir». Inspirés par le travail des égoutiers qui font surgir l’or noir des villes, la matière caoutchouteuse évoque à elle seule une métaphore du voyage et du lien (pneus, joints…) où apparaît la noirceur de la nuit et des souterrains. Comme élément décalé par son socle, le tiroir, partie contenante, contrarie l’habitude fonctionnelle et accède ainsi à la dignité de la sculpture. Le tiroir, en tant que lieu où se cachent d’autres choses, perd ici sa qualité d’enveloppe pour se transformer en objet autonome.
Fischli & Weiss travaillent dans la faille séparant l’ordre du désordre, l’identique du dissemblable, l’objet du sujet… Ils font ainsi émerger la subjectivité au sein de l’insignifiant, en utilisant la puissance expressive de l’objet fait œuvre d’art.

Maïté Vissault