Né en 1957 à Mont-de-Marsan (FR)
Vit et travaille à Biarritz (FR)
1994
Moulage, argent sur cuivre
Hauteur : 70 cm, diamètre : 20 cm
Acquisition: 1997
Apparitions diaphanes, évocations subtiles d’objets et de lieux disparus, d’événements révolus, les œuvres de Pascal Convert mettent en jeu le processus de la mémoire et de la disparition. Empreintes d’objets et d’espaces, dessins et installations offrent une réponse sensible à une société de la vitesse, de la surabondance d’informations et de l’oubli. Nulle nostalgie dans sa démarche, mais une volonté de réinvestir le temps, de souligner l’éphémère,
à travers des images d’archives ou sur le mode de l’investigation archéologique, afin de «construire une mémoire en négatif et en creux»1. En effet, «loin d’une pensée positiviste accumulant preuves et témoignages, [l’artiste
procède] à une soustraction d’images»2 : des fragments de reportages qui blanchissent jusqu’à ce que l’image devienne illisible et perde son caractère informatif dans la vidéo
Direct/Indirect (1997) ; des villas basques des
années 1930 vouées à la destruction et dont le souvenir, les vestiges perdurent à travers l’épure extrême des dessins, découpes et moulages réalisés par l’artiste
(Reconstitution, 1991 ; Pièce rouge, 1996 ; etc.).
Autant de memento mori qui soulignent l’absence, révèlent le vide tout en exposant paradoxalement l’essence des choses. Esthétique de l’évidemment et de l’épure qui se prolonge dans la série de moulages du corps de l’artiste (visage, bras) :
la
Sculpture non attribuée, une empreinte de jambe gauche, est la trace matérielle du
corps, frappé par le sceau du temps. Si la technique (cire perdue) et le matériau (argent sur cuivre) font référence à la sculpture ancienne, le mode de présentation diffère
radicalement. L’œuvre ne s’érige pas, elle s’enfonce dans le sol de l’espace d’exposition, ne révélant au regardeur que la béance du moulage évidé.
En donnant à voir ce qui d’ordinaire est caché, Pascal Convert substitue au volume du membre isolé la perception d’une anfractuosité, troublant ainsi notre compréhension de l’objet. L’artiste se joue d’une «heuristique rigoureuse du plein et du vide, du haut et du bas, de l’horizontalité et de la verticalité, de l’avers et du revers.»3
Nous ne sommes pas dans l’immédiateté ou l’évidence : l’œuvre ne se donne pas à voir, elle s’offre à l’imagination et au souvenir. Métaphore d’une présence humaine, implicite dans le volume de ce corps inscrit en creux,
le moulage de jambe n’est pas sans évoquer les ex-voto déposés dans les cours d’eaux ou sur les lieux de culte dans l’attente d’une guérison. Paradoxalement, l’idée du piège, visuel et physique, est sous-jacente. Pascal Convert joue de la dialectique entre présence et absence, autoportrait et universalité, entre dimension
physique et puissance évocatrice. Ce qui se dessine «en creux» à travers ce moulage, c’est le travail du temps, l’idée de la perte, de l’ensevelissement, de la «disparition
partielle, puisqu’il expose et donne valeur, non pas à ce qu’il enterre […] mais au fait même qu’il enterre quelque chose ou quelqu’un, et qu’il devient par là le mémorial, le reste visuel de la disparition.»4
Hélène Guenin
1 Pascal Convert, «Comment voir pourrait devenir toucher», 23 février 2000.
2 Idem
3 Georges Didi-Huberman, «La demeure (apparentement de l’artiste)», in Pascal Convert, oeuvres de 1986 à 1992, CapcMusée d’art contemporain, Bordeaux, 1992, p. 37.
4 Georges Didi-Huberman, La demeure, la souche (apparentements de l’artiste), Les Éditions de Minuit, Paris, 1999, p. 117.