Né en 1955 à Somerville, New Jersey (US)
Vit et travaille à Mine Hill, New Jersey (US)
1997
Portes, structures métalliques
Dimensions variables
Acquisition: 1998
Au début des années 1990, Willie Cole se fait connaître sur la scène artistique américaine par ses assemblages d’objets usagés (chaussures, fers à repasser, sèche-cheveux…) qu’il dérobe à leur fonction initiale pour produire fétiches, masques et gravures évoquant l’art africain. Symboles, signes et divinités africaines peuplent l’œuvre de cet artiste qui, tout en déclarant ne jamais avoir foulé le continent africain, s’attache à rétablir des passerelles entre les deux mondes, restaurant ainsi les héritages culturels et identitaires de la communauté afro-américaine à laquelle il appartient.
La lecture de cette œuvre ne se résume pas aux seules revendications culturelles : exploitant largement les potentiels métaphoriques des objets usagés et les histoires singulières qu’ils véhiculent, Cole met en tension expérience subjective et pressions sociales et communautaires.
Dans la cosmologie africaine Yoruba, «Elegba», qui donne son nom à cette œuvre, est la divinité des carrefours, et le gardien des portes. Elle agit comme un messager entre le divin et l’humain, gouverne les choix individuels et dresse des obstacles aux décisions. Principe
à la fois du bien et du mal, elle est aussi surnommée le «Trickster»1 et souvent dépeinte en enfant malfaisant.
The Elegba Principle est un labyrinthe de portes récupérées, au seuil duquel est disposée l’effigie d’un serviteur noir, identique aux statuettes que l’on trouvait souvent à l’entrée des demeures américaines, avant que n’éclose le mouvement de lutte pour la défense des droits civils des Noirs Américains dans les années 1950. Sur les portes usagées et sans cachet subsistent lambeaux de papier peint, traces de doigts et graffitis.
Un mot est écrit sur chacune d’elles, termes désignant indifféremment une partie du corps, un type d’économie, une monnaie, une situation familiale, que l’artiste dit puiser au hasard des conversations ou de son environnement.
Les relations s’instaurent entre les mots clés d’un monde contemporain modelé par les relations internationales et les systèmes économiques, les histoires singulières de ces portes et de l’individu qui les franchit.
La circulation est ici l’objet de l’installation : en l’absence de sortie identifiée pour ce labyrinthe, le visiteur va simplement opérer plusieurs choix pour élaborer son parcours, à peine aidé par les termes – sans liens apparents – inscrits sur les portes. Chaque porte franchie débouche sur d’autres portes étiquetées, livrant le visiteur au jeu cruel d’une quête sans objet, si ce n’est celle de son expérience : ainsi se révèle la mécanique des choix, teintée de l’absurdité des décisions et des renonciations,
et de son lot de déterminismes individuels et
collectifs.
Corinne Charpentier
1 Filou, escroc.